Beaucoup de personnes associent systématiquement le Lean à la recherche et la réduction des gaspillages.
Cette approche est un réductrice car si la traque des MUDA (gaspillages en Japonais) est essentielle, elle n’est qu’un des 7 concepts du Lean pour le logiciel, il y en a donc 6 autres (Eliminate Waste, Build Quality In, Defer Commitment, Create Knowledge, Deliver Fast, Optimize the Whole, Respect People).
De plus cette approche par les gaspillages est erronée car elle ne tient pas compte de la notion de maîtrise de la variabilité qui doit arriver AVANT la réduction des gaspillages.
En effet, réduire les gaspillages sur un système à forte variabilité ne conduit pas automatiquement à une amélioration du système et donc à une augmentation de la satisfaction client.
Vous n’êtes pas convaincu ?
Alors essayez ce simple exercice :
- Constituez une chaine de production de 5 ou 6 personnes en séquence.
- Donnez 10 allumettes au premier
- Faites lui lancer un dé à 6 faces.
- Faites lui donner le nombre d’allumettes indiqué sur le dé au 2ème.
- Faites lancer le dé au 2ème, et faites lui donner le nombre d’allumettes indiqué sur le dé au 3ème
- Continuer ainsi jusqu’au bout de la chaîne
- Recommencer jusqu’à ce que les 10 allumettes soient arrivées au bout de la chaîne
La moyenne d’un dé à 6 faces est de 3,5 et on devrait donc voir les 10 allumettes au bout de la chaine en 3 passages … mais la réalité est qu’il faudra 6 ou 7 passages … pourquoi ?
Maintenant doublez la capacité de production de l’équipe en utilisant un dé à 12 faces (si, si cela existe, demandez aux joueurs de jeux de rôles) et refaites l’exercice … et oh surprise … vous constatez qu’il vous faut encore 5 ou 6 passages … soit à peine mieux qu’avant pour un coût double !!!
L’explication de ce phénomène est dans la variabilité des dés – ou écart type – qui est très forte et qui annihile l’effet bénéfique de l’augmentation de la capacité de production.
Maintenant prenez un dé à 6 faces, mais collez un sticker 3 sur les faces 1 et 2, et un sticker 4 sur les faces 5 et 6. Vous obtenez un dé avec 3 faces à 3 et 3 faces à 4 … la moyenne est toujours de 3,5 mais la variabilité est très faible … et si vous refaites l’exercice, vous constaterez qu’il ne vous faut plus que 3 passages (4 parfois). Et 2 passages avec un dé à 12 faces modifié suivant le même principe (et vous auriez même pu faire passer 12 allumettes au lieu de 10).
De la même façon la recherche et la réduction des gaspillages sur un système à variabilité forte ne va pas forcément conduire à une augmentation de la productivité … donc il est indispensable de commencer par réduire la variabilité puis de chercher à réduire les gaspillages.
Avec Scrum, pour calculer la variabilité, il suffit de mesurer la vélocité produite et de la comparer aux estimations de l’équipe. Lorsque l’équipe produit de façon régulière les points prévus, alors sa variabilité est faible et vous pouvez vous attaquer à la réduction des gaspillages car vous êtes certain d’améliorer le système et de produire plus pour moins cher.
Bonjour,
Bon article, mais je me dois de vous avertir : ne tentez pas l’expérience proposée.
J’ai écrit un petit programme pour la simuler. La moyenne pour 1 000 000 de tests est la suivante :
Pour 20 allumettes et des files de 6 personnes :
– 6 faces : 6.12 passages
– 8 faces : 5.35 passages
– 12 faces : 3.54 passages
– 2 faces (3 et 4) : 5.76 passages
Première remarque : il y a effectivement un gain de productivité sur le dé avec les faces 3 et 4, mais qui n’est pas aussi conséquent que le propose l’article. Surtout par rapport au doublement du dé.
Deuxième remarque : les résultats sur 1 000 tests sont très éloignés de la moyenne. Vous pouvez facilement tomber sur 3 comme sur 20 passages, quelque soit la configuration. Ainsi, si vous faites le test en grandeur nature une unique fois, votre résultat ne pourra pas être concluant.
Sur un très grand nombre de résultats, il apparaît tout de même cette surprise : à moyenne égale, la diminution de la variance diminue le nombre de rondes nécessaires. Ce qui soutien la conclusion l’article.
Le concept est très intéressant. Si on reprend l’image du flot d’eau utilisée dans le jeu « I’m not a bottleneck » (et ailleurs), c’est un peu comme si les « plafonds » de chaque personne/poste était mobile, et quele goulet d’étranglement se déplace de personne en personne au fil du temps. Je languis de présenter ce petit jeu chez nous… 😀
En ce qui concerne l’étude statistique, je ne m’expique pas la moyenne « – 2 faces (3 et 4) : 5.76 passages » : Si on n’a que des 3 ou 4, le niveau de production le plus bas est atteint si tout le monde tire tout le temps « 3 ». Dans ce cas, ceiling(10/3)=4, c’est à dire qu’il faudra au maximum 4 passages pour passer toutes les alumettes. Comment la moyenne peut-elle être supérieure au max?