Evaluation Agile … Bonne ou Mauvaise nouvelle ?

Depuis quelques mois je suis sollicité pour faire des évaluations de situation « Agile » afin de diagnostiquer les causes des problèmes rencontrés.

Mon activité principale est plutôt de former et d’accompagner de nouvelles équipes dans la mise en place de l’agilité, et ces nouvelles demandes me font penser que nous sommes peut-être en train de franchir une nouvelle étape dans la prise en compte des méthodes agiles … ou alors très proches de tomber dans le gouffre de Moore (Cf. « The Chasm » de la Courbe de Rogers ci-dessus).

Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’équipes qui pratiquent l’agilité, principalement Scrum, depuis plus de 18 mois, et bien souvent la demande d’évaluation émane de managers, plus rarement des équipes elles-même, qui n’obtenant pas les bénéfices attendus, me demandent de chercher les raisons de cette situation.

Dans le cadre des ces évaluations, ma démarche est toujours la même : Intervenir 2 ou 3 jours sur site puis préparer et donner une restitution formelle en présence de tous les acteurs. L’intervention sur site a pour objectif de participer en auditeur silencieux aux différentes réunions « Agiles » et de discuter en tête à tête avec chaque acteur du projet. Je ne limite pas mes entretiens aux équipiers, Scrum Master et Product Owner, car dans les acteurs, je considère également les représentants des utilisateurs, les managers, la direction et d’autres personnes qui peuvent influencer le projet, comme un responsable qualité par exemple. Bien entendu, mon évaluation est beaucoup plus orienté sur l’état d’esprit dans lequel la méthode Scrum est appliquée que sur la vérification des pratiques mise en œuvre (combien de fois ai-je constaté des réunions de rétrospectives qui n’en sont absolument pas !).

Un autre aspect plus délicat à traiter concerne les attentes du management, en particulier les bénéfices attendus initialement par le passage à l’agilité. Ce sont ces bénéfices attendus qui ont pesé lourd dans la balance et fait prendre la décision de passer à l’agilité il y a 18 mois. Mon intervention est bien souvent justifiée par l’absence de ces bénéfices après 18 mois de pratique de l’agilité, mais la situation est complexe, car ces managers ne remettent pas en cause les bénéfices attendus et ils attendent de moi que je trouve, et corrige, les défauts de mise en place de l’agilité. Pour eux c’est « juste » un problème d’application de la méthode Scrum alors qu’il s’agit surtout d’une méconnaissance de la réalité de l’agilité, en particulier sa complexité de sa mise en œuvre, et un oubli des aspects « humain » qui sont un des fondamentaux de l’agilité (le terme « ressource » utilisé pour désigner une personne est bien souvent la face émergé de cet iceberg d’oubli de l’humain).

Et pourtant la première valeur du Manifeste est bien : « Individus et leurs interactions » plutôt que « Processus et outils », mais dans la majorité des projets que j’ai évalué, la majorité des acteurs n’étaient pas capables de citer le manifeste … était-ce du à un manque de formation ? C’est possible, car dans de nombreux cas, la formation a été réduite à néant (Scrum est si simple !), ou à sa plus simple expression avec l’envoi du Scrum Master en formation qui a la responsabilité ensuite de mettre en place l’agilité sur le projet (Ben, c’est bien lui le chef de projet, non ? :D)

Si certains managers font appel à des consultants expérimentés pour faire un état des lieux, découvrir les raisons des difficultés, les corriger (en acceptant également une certaine remise en cause personnelle) pour enfin passer à l’étape suivante de la courbe de Rogers et être réellement plus performants. Combien d’autres sont plutôt sur le point d’abandonner l’agilité pour cause de non tenue des objectifs attendus, ou pire, de soi disant l’améliorer en ajoutant plus de structure, de contrôle et de processus, pour au final lui faire perdre toute son essence et revenir à des processus orienté « Human Free » dans lesquels l’individu est réduit à un simple exécutant qui n’a pas à réfléchir (ce que préconisait Taylor dans son livre « The Principles of Scientific Management).

Je ne saurais dire exactement si nous sommes toujours en train de progresser dans la mise en place de l’agilité en France, ce que laisserait à penser la multiplication des conférences sur l’agilité avec un nombre de participants toujours croissant, ou si nous sommes au bord du « Chasm » avec de plus en plus d’échecs constatés de projets agiles, avec pour principale cause annoncée « La méthode Agile » elle même.

Bien entendu, avec un peu d’honnêteté et de courage, tout groupe reconnaitrait qu’un échec ne peut être imputé à la méthode seule, mais il faudrait alors en chercher la cause ailleurs … avec le risque de découvrir ses propres faiblesses, ses craintes du changement, ses peurs … et bien souvent dans une entreprise qui valorise uniquement la réussite et ne tolère pas l’échec.

Si vous souhaitez un peu de soutien, n’hésitez pas à me contacter pour faire une évaluation agile de votre situation, vous aurez alors une grille de lecture plus fine de votre contexte et vous disposerez de plus d’éléments pour prendre votre décision, quelle qu’elle soit !

6 réflexions sur « Evaluation Agile … Bonne ou Mauvaise nouvelle ? »

  1. Hello Alex,
    Discussion intéressante… qui ouvre sur plusieurs champs…
    Ton introduction en dit déjà long et est plutôt symptomatique:
    « Depuis quelques mois je suis sollicité pour faire des évaluations de situation « Agile » afin de diagnostiquer les causes des problèmes rencontrés »…

    Feedback, adaptation et amélioration continue font intrinsèquement partie de toute approche agile: c’est un premier élément d’alerte 🙂
    plus largement, et comme tu le mentionnes, ces évaluations renvoient inévitablement aux questions de Vision, de Valeurs, de Management Agile, et d’un travail qui prend de plus en plus de place dans mes (nos) pratiques de coaching: l’orientation « SOLUTIONS » !
    Bravo pour ce post.

    JC
    Coach d’organisation – Coaching Agile & Coaching d’Equipes
    http://www.qualitystreet.fr/
    https://twitter.com/jcQualitystreet

  2. Très bon article, qui montre une nouvelle fois le problème de « pratices first » vs « culture change ».
    Les organisations se disent Agile une fois achetés les Planning Poker et les Post-It, mais comme on dit « Chassez le naturel, il revient vite au galop ».
    Par mon expérience, bien souvent, dans ce type d’organisation, le ScrumMaster, garant de la culture Agile, n’a malheureusement pas l’autonomie nécessaire pour mener à bien sa mission (objectifs individuels etc…).

    C’est clair que nous sommes dans une phase transitoire, et qu’il va falloir assurer le virage 🙂

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